La garde à vue est souvent une épreuve. Parce qu’elle survient à un moment de grande tension, parce qu’elle vous dépossède – de votre téléphone, de vos repères, de vos certitudes – et parce qu’on s’y retrouve trop souvent seul face à une mécanique impressionnante. Mais cela évolue : la réforme entrée en vigueur en juin 2024 change (enfin) les règles.
Et pas des moindres
❓ C’était quoi, ce « délai de carence » ?
Lorsqu’une personne demandait à être assistée par un avocat en garde à vue, il existait un délai de carence de deux heures pendant lequel l’officier de police judiciaire ne pouvait pas commencer l’audition, sans attendre la présence de l’avocat. Au bout de ces deux heures, si l’avocat n’était pas arrivé, il pouvait débuter l’audition sans lui
👉 En d’autres termes : même si vous demandiez un avocat, la police pouvait vous entendre au bout de deux heures sans lui, si ce dernier n’était pas encore arrivé. Ce qui laissait la possibilité de poser des premières questions parfois très sensibles, sans protection juridique immédiate.
✅ Ce qui change aujourd’hui avec le décret du 27 mai 2024, entré en vigueur le 1er juin 2024 : il supprime ce délai de carence.
👉 Désormais, aucune audition ne peut débuter avant l’arrivée de l’avocat, sauf exceptions extrêmement limitées. C’est une avancée majeure. Cela signifie que l’avocat doit impérativement être présent pour que l’audition commence. On met fin à une zone grise de deux heures où les droits de la défense étaient suspendus. Il n’est donc plus possible d’auditionner le gardé à vue sans son avocat, à moins que ce dernier renonce à son droit ; ou que le procureur de la République justifie par une décision écrite et motivée qu’il est indispensable de procéder immédiatement à l’audition sans attendre l’arrivée de l’avocat (par exemple, en cas de péril pour la vie d’une personne. Les personnes vulnérables ou peu informées ne sont plus exposées à des interrogatoires à chaud sans protection.)
👩⚖️ Pourquoi c’est important ? Parce que les premières paroles peuvent marquer une procédure. Parce qu’un mot mal compris, une maladresse ou une pression peuvent laisser des traces durables. Et parce qu’un avocat, dès le début, cadre l’échange, vous aide à comprendre vos droits, peut s’opposer à certaines questions illégales ou inappropriées.
Avec cette réforme :
- Vous n’êtes plus seul.
- Vous pouvez être conseillé, rassuré, préparé.
- Vous pouvez faire valoir vos droits dès le départ.
- Et c’est aussi un garde-fou pour éviter les dérives, les aveux arrachés sous pression, ou les incompréhensions lourdes de conséquences.
📍 Un réflexe simple : demandez un avocat. Tout de suite. En garde à vue, demander un avocat est un droit fondamental. Ce n’est pas un aveu de culpabilité. C’est une garantie. Une sécurité. Et une manière d’être accompagné dès les premières minutes d’une situation souvent déstabilisante.
Cette réforme représente une très belle avancée pour les avocats et les droits de la défense. Mais elle présente aussi des côtes négatifs, davantage pour le côté des forces de l’ordre et du procureur. Les forces d d’ordre sont obligées d’attendre l’arrivée du conseil lorsqu’il a été demandé. Ils font donc face à des plannings surchargés et désorganisés du fait de cette attente. Parfois, la garde à vue se trouve prolongée car l’avocat n’est pas disponible, ce qui débouche donc sur des procédures plus longues et un temps de rétention allongé.
Enfin, en cas de mauvaise compréhension du nouveau régime ou de retard mal justifié, le procès-verbal pourrait être annulé, ou l’audition déclarée irrégulière. Cela fait peser une pression supplémentaire sur les OPJ qui doivent appliquer rigoureusement des règles plus strictes, au risque de voir leur procédure fragilisée.
-💬 Je suis avocate pénaliste à Pontoise, et j’interviens régulièrement en garde à vue dans le Val-d’Oise et les juridictions alentour. Que ce soit pour vous ou pour un proche, je suis là pour vous assister.
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