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DIVORCE : LE DENOUEMENT PATRIMONIAL

Troisième article dans la série « divorce » et normalement le dernier, consacré cette fois-ci, aux conséquences du divorce entre les époux sur le plan patrimonial.

On distingue le patrimonial stricto sensu (donations, dommages et intérêts, prestation compensatoire, attribution du logement familial), du dénouement vis-à-vis des biens : liquidation du régime matrimonial. Dans cet article, ne sera abordé que le patrimonial stricto sensu. La liquidation du régime matrimonial fera quant à lui, l’objet d’un article à part entière, ultérieurement.

A partir du jugement de divorce, commencent les effets patrimoniaux du divorce, tels que la prestation compensatoire, l’éventuel versement de dommages et intérêts, le sort du logement, le sort des donations…

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La prestation compensatoire

La prestation compensatoire traduit la présence du mariage même après le divorce. Elle prend le relai du devoirs de secours/d’entraide.

L’article 270 du Code civil dispose :

« Le divorce met fin au devoir de secours entre époux.

L’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d’un capital dont le montant est fixé par le juge.

Toutefois, le juge peut refuser d’accorder une telle prestation si l’équité le commande, soit en considération des critères prévus à l’article 271, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture. »

Ainsi, pour bénéficier d’une prestation compensatoire, il faut une disparité de vie.

Il faut distinguer deux hypothèses.

  1. Soit, il y a un accord, comme par exemple dans le cadre d’un divorce par consentement mutuel. Dans ce cas, on peut bien évidemment prévoir une prestation compensatoire dans la convention de divorce. Cela est également possible pour les divorces contentieux. La prestation compensatoire sera soumise à homologation comme toute convention. Les époux peuvent donc prévoir une prestation compensatoire, ou bien y renoncer et prévoir les modalités de fixation de la prestation compensatoire.
  2. Soit, il n’y a pas d’accord, et les articles 270 et suivants du Code civil s’appliquent. Dès lors, à partir du moment où il y a disparité de vie, le juge accordera une prestation compensatoire.

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Mais qu’est ce qu’une disparité ?

Une différence de niveau de vie entre pendant le mariage et après le mariage. Ainsi, la prestation compensatoire permet à l’époux d’avoir le même niveau de vie que pendant le mariage, et non pas seulement de lui permettre de vivre à un niveau minimum. Elle permet de maintenir le niveau de contribution aux charges du mariage.

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La prestation compensatoire est de droit. Elle est attribuée sauf si l’équité commande que non. Il s’agira par exemple de l’hypothèse où le divorce est prononcé aux tort exclusifs de l’époux qui est dans le besoin et que les circonstances justifient que l’on refuse cette prestation (ce qui est extrêmement rare, puisque par exemple, l’adultère n’entraine pas le jeu de cette expulsion).

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Quels sont les critères pris en compte pour en fixer le montant ?

Une fois que l’on a déterminé si l’on avait droit à cette prestation compensatoire, l’article 271 du Code civil fixe les critères qui permettent d’en fixer le montant. Il énonce :

« La prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.

A cet effet, le juge prend en considération notamment :

– la durée du mariage ;

– l’âge et l’état de santé des époux ;

– leur qualification et leur situation professionnelles ;

– les conséquences des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la vie commune pour l’éducation des enfants et du temps qu’il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;

– le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu’en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;

– leurs droits existants et prévisibles ;

– leur situation respective en matière de pensions de retraite en ayant estimé, autant qu’il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l’époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances visées au sixième alinéa. »

Pour évaluer les critères, il faut se situer au moment du divorce.

Grosso modo, nous prenons donc en compte le besoin de l’époux qui demande, et les ressources de l’époux qui va devoir payer.

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Quelles sont les modalités de versement de la prestation compensatoire ?

Le principe est posé par l’article 274 du Code civil :

« Le juge décide des modalités selon lesquelles s’exécutera la prestation compensatoire en capital parmi les formes suivantes :

1° Versement d’une somme d’argent, le prononcé du divorce pouvant être subordonné à la constitution des garanties prévues à l’article 277 ;

2° Attribution de biens en propriété ou d’un droit temporaire ou viager d’usage, d’habitation ou d’usufruit, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier. Toutefois, l’accord de l’époux débiteur est exigé pour l’attribution en propriété de biens qu’il a reçus par succession ou donation. »

La prestation compensatoire prendra donc la forme d’un capital, c’est-à-dire d’une somme d’argent forfaitaire. Elle peut également prendre la forme d’un bien, ou d’un droit (usufruit, jouissance). Le principe reste l’argent, et l’exception le bien ou le droit.

Un tempérament est posé par l’article 275 du Code civil : le capital renté. Si un époux ne peut pas payer de suite la prestation, le juge peut étaler cette prestation sur plusieurs années : maximum 8 ans. Encore une fois, ce n’est pas le principe.

Un panachage reste possible. Par exemple, le débiteur doit payer 20.000 €. Il paye 12.000 € de suite, et le reste sur un an.

Il faut également souligner que d’un point de vue fiscal, il est bien plus intéressant de verser le capital sur moins de 12 mois. Le débiteur s’acquittera simplement d’un droit fixe de 75 €.

La grande exception est la rente viagère. Exceptionnellement, le juge peut fixer une rente viagère. Cela est très rare (par exemple, femme entre 60 et 70 ans, qui a consacré sa vie au ménage et aux enfants et dont la seule ressource est cette rente). Elle ne prend en compte que la durée de vie du bénéficiaire, c’est-à-dire que tant que le bénéficiaire n’est pas décédé, le débiteur devra payer. Dès que celui-ci décède, il n’a plus à payer. Si l’époux débiteur décède, les héritiers devront prendre la relève du paiement, mais non sur leur propre patrimoine. Ils paieront à partir de la succession qu’ils reçoivent.

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La prestation compensatoire est-elle révisable ?

Le capital renté reste un capital, il n’est pas révisable dans son montant.

En revanche, les modalités de versement le sont. On peut par exemple, réduire le temps de versement. Le débiteur ne peut pas s’y opposer. Au contraire, on peut augmenter le temps de versement, mais uniquement avec une circonstance exceptionnelle (licenciement par exemple).

Il en va différemment concernant la rente viagère. Celle-ci est révisable dans son montant et dans ses modalités de versement. Le montant pourra donc être réduit ou même supprimé, en cas de changement important dans les ressources du débiteur (licenciement, nouveaux enfants).

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Les dommages et intérêts

Des dommages et intérêts peuvent être versés, soit sur le fondement de l’article 1240 du Code civil, soit sur le fondement de l’article 266 du même code. Il est toutefois à noter qu’il est rare que des dommages et intérêts soit alloués dans le cadre d’un divorce.

L’article 266 a vocation à réparer un préjudice qui résulte de la rupture. Il s’appliquera notamment dans les divorces pour faute, ou dans les divorces pour altération définitive du lien conjugal.

Les conditions sont les suivantes :

  • Le préjudice doit être indépendant de l’article 270 du Code civil.
  • Il doit être issu de l’existence de la rupture.
  • Enfin, il doit être particulièrement grave. Par exemple, violences morales, physiques, tentative de suicide ou état dépressif à la suite de la rupture (il faudra des avis médicaux en ce sens).

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L’article 1240 quant à lui, s’applique à tous les cas de divorce, et vise à réparer le préjudice lié aux circonstances de la rupture.

On répare donc une faute, qu’il faudra prouver, ainsi que le lien de causalité avec le dommage.

Seules les circonstances doivent être prises en compte, telles que l’adultère, la violence.

Pour exemple, la Cour de cassation dans un arrêt du 16 décembre 2020 [1], énonce : « le jugement sera confirmé en ce qu’il a déclaré irrecevable sa demande fondée sur l’article 266 du code civil ; que, par ailleurs, un des conjoints, s’il a subi en raison des fautes de l’autre, un préjudice distinct de celui né de la dissolution du mariage, peut en obtenir réparation sur le fondement de l’article 1382 devenu l’article 1240 du même code ; que le divorce est prononcé aux torts partagés des époux et il est retenu que l’épouse a quitté le domicile conjugal dès 1995, sans que la preuve d’une réelle vie commune postérieurement ne soit rapportée avec certitude, et l’adultère du mari est établi en 2009-2010 ; que si des témoignages de proches relatent que l’épouse souffrait de la situation conjugale et de l’attitude de son mari à son égard, ces éléments sont insuffisants, comme relevé par le premier juge, pour lui allouer une réparation, dans la mesure où d’une part cette dernière a participé à la réalisation de son préjudice en quittant le domicile conjugal dès 1995, et d’autre part comme déjà relevé compte tenu des relations complexes du couple et de la présentation chronologique contradictoire des faits par les époux. »

Les juridictions sont donc extrêmement strictes dans leur appréciation du préjudice au titre de l’article 1240 du Code civil.

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Le sort du logement

Deux cas se présentent.

  1. Les époux sont propriétaires et ils s’entendent : le logement est attribué à l’un d’eux et l’autre lui vend sa part, ou ils restent en indivision, ou ils vendent le logement.
  2. Les époux propriétaires ne s’entendent pas, et le juge intervient : soit pour donner l’attribution préférentielle à un époux (généralement, celui qui garde les enfants), et celui-ci versera une soulte à l’autre époux. Soit, pour maintenir les époux en indivision sans que cela n’excède 5 années. L’un des époux peut bénéficier du logement, et verse alors une indemnité d’occupation à l’autre époux. Enfin, il peut attribuer le logement à l’un d’eux au titre de la prestation compensatoire.

Le logement n’est donc jamais attribué à titre gratuit, sauf une exception : si l’attribution du logement se fonde sur l’obligation d’entretien des enfants.

Si un seul époux est propriétaire, trois cas de figures :

  • l’époux propriétaire reprend simplement son bien.
  • Le bien peut être attribué au titre de la prestation compensatoire, si le propriétaire donne son accord.
  • Le juge décide d’attribuer un bail forcé à l’époux qui exerce l’autorité parentale si les enfants résident habituellement dans ce logement et si les circonstances le commandent.

Si les époux sont locataires, le droit au bail lors de la séparation pourra être attribué à l’un des époux si les intérêts de la famille le commandent.

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Les donations et avantages patrimoniaux

1. Les donations avant le 1er janvier 2005

Une donation est en principe, irrévocable. Pourtant en matière de divorce, la chose est différente. La donation entre époux de biens présents, comme la donation de bien à venir, sont toujours révocables. Ainsi, en cas de divorce, si le divorce avait lieu pour faute aux torts exclusifs du conjoint, ou qu’il y avait divorce pour rupture de la vie conjugale, demandé par la femme, dans ce cadre-là, l’épouse perdait toutes les donations, de plein droit, sauf clause contraire dans l’acte. De son côté, l’époux victime conservait les donations faites par l’époux fautif.

2. Les donations après le 1er janvier 2005

On opère une différence entre la donation de biens présents (un bien que j’ai actuellement et que je donne), la donation de biens à venir (un bien dont je n’ai pas encore la propriété), et la donation de biens présents à terme (j’ai déjà le bien mais les effets sont reportés à un terme). Ce dernier cas est l’hypothèse de la donation d’un bien en nue-propriété aux enfants avec conservation de l’usufruit pour le propriétaire, qui décide de donner l’usufruit à sa mort à son épouse (clause de réversion d’usufruit).

L’article 265 du Code civil énonce que les biens présents donnés sont désormais irrévocables, même en cas de divorce. Les donations de biens présents ne peuvent donc jamais être révoquées. Et il n’est pas possible de prévoir le contraire dans une clause.

S’agissant de la donation de biens à venir, elle est considérée comme révoquée de plein droit, par le divorce.

Enfin, pour les biens présents à terme, les donations sont révocables librement.

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Conclusion

Le divorce engendre énormément de conséquences dans la vie des ex-époux, et notamment, sur le plan financier. Evidemment, ce ne sont pas les seules conséquences : mesures relatives aux enfants, ou encore, reprise du nom de jeune fille, etc.

Un article ultérieur sera consacré à la liquidation du régime matrimonial, autre conséquence financière d’un divorce.

En attendant, ma prochaine publication sur le sujet sera consacrée à la réforme des divorces, entrée en vigueur au 1er janvier 2021.

Divorcer ne s’improvise pas. Vous pouvez me contacter pour une consultation sur le sujet, ou si vous êtes déjà décidé à divorcer, afin que je vous accompagne dans ce processus.

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[1] Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 16 décembre 2020, 19-23.213 19-23.223, Inédit

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