06 68 57 79 32

CHEVAUX MUTILES ET/OU TUES : FAISONS LE POINT

Aujourd’hui, je rédige un article que je ne pensais jamais rédiger un jour.

Comme vous le savez si vous suivez régulièrement mes publications, je suis propriétaire d’une jument.

Les faits qui font l’objet de cet article m’ont donc forcément touchée, interpellée et évidemment, inquiétée.

Aujourd’hui, je suis tombée sur une des dernières actualités dans ces affaires de chevaux mutilés et/ou tués : les deux chevaux mutilés à Bannalec, dont l’un d’eux, une jument, voit son pronostic vital engagé. [1]

J’ai donc voulu sortir du silence, et apporter ma pierre à l’édifice, si petite soit-elle, afin de lutter contre cette cruauté gratuite, engendrant une peur grandissante dans le monde du cheval.

L’objectif de cet article est donc d’informer ma communauté sur ces faits, de regrouper les informations sur le sujet, d’apporter une plus-value sur le plan juridique et surtout, de donner de la visibilité aux actions engagées.

N’hésitez pas à me contacter, si vous souhaitez être accompagné(s) dans vos démarches. La cause me parle tout particulièrement, et je serais ravie d’apporter ma contribution et mon aide aux victimes de ces actes de barbarie, à mon échelle.

Revenons tout d’abord sur les faits.

M

LES FAITS

Depuis plusieurs mois, avec une augmentation des cas ces derniers temps, des chevaux ou équidés, de toute race, tout sexe, n’importe où en France, sont retrouvés morts et/ou mutilés. Le mode opératoire est toujours différent.

Des sévices sur une vingtaine de chevaux sont recensés, mais le nombre ne cesse d’augmenter. Le nombre de cas a fortement augmenté depuis février 2020 (13 au moins depuis cette date).

Ci-dessus, une carte où les internautes peuvent recenser différents faits : en orange, les chevaux mutilés mais toujours en vie // en rouge, les chevaux mutilés et malheureusement décédés // en bleu, les endroits où des personnes au comportement suspect ont été repérées. Les ciseaux signifient que les chevaux ont été retrouvés avec une oreille coupée.

Les chevaux sont parfois assommés, égorgés, tués à l’arme blanche, ou encore, par arme à feu.

Certains ont parfois un organe en moins : un œil est arraché, des organes génitaux sont ôtés…

Seul point commun : ils ont tous, une oreille, la droite, sectionnée.

Toutefois, les cas de mutilations sur chevaux se multiplient, sans s’accompagner systématiquement de l’amputation d’une oreille.

A l’heure actuelle, beaucoup de questions se posent, et très peu de réponses sont trouvées.

S’agit-il d’une seule personne, d’un groupe, d’actes isolés selon les régions ?

Quelles sont les raisons de ces actes de cruauté ? Rite satanique, secte, défi, jeu…

Il est vraisemblable que les auteurs de ces actes connaissent les chevaux. En effet, ils approchent les animaux, certes sociables, et arrivent à les maîtriser le temps de les maltraiter. Il est fort probable que des techniques telles que le tord-nez, qui endort le cheval, soient utilisées.

La Direction générale de la gendarmerie mentionnait : « On ne sait pas s’il y a une ou plusieurs personnes, si la même équipe est impliquée dans plusieurs affaires. On étudie toutes les pistes, sectaires, sataniques mais l’oreille coupée n’apparait pas dans des rites sataniques, ce serait plutôt une sorte de trophée comme dans la corrida. Cela peut également être le fait d’ un individu en proie à des délires psychotiques, quelqu’un qui a mis en place un nouveau rite, un challenge lancé sur le Dark web.  » [3]

Un groupe Facebook intitulé « Justice pour nos chevaux » a été créé par la propriétaire d’une jument victime de ces violences et décédée, le 06 juin 2020. Ce groupe voit son nombre de membres exploser, et en compte actuellement plus de 17.000 membres, tous cavaliers, propriétaires, défenseurs de la cause animal.

L’objectif de ce groupe est de recenser les mutilations – identifier les nouveaux cas, de se tenir au courant des suites données aux dossiers, mais également et surtout, de s’entraider dans ces épreuves.

M

OU EN SONT LES ENQUÊTES ?

L’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP) est mise sur le coup.

Mais qu’est ce que l’OCLAESP ?

Il s’agit d’un service de police judiciaire de la gendarmerie nationale qui dispose d’une compétence nationale afin de mener à bien sa mission, à savoir, lutter contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique. [2] La cellule en charge de suivre les agressions sur chevaux se situe à Pontoise.

L’OCLAESP a donc vocation à coordonner les investigations menées par la police/gendarmerie, assister les enquêteurs, étudier les comportements d’auteurs d’infraction, afin de centraliser et recouper les informations.

C’est le groupe « environnement » qui est chargé de coordonner les actions pour ces agressions.

Sur les enquêtes en cours pour sévices sur chevaux, un appui est également apporté par le Service central du renseignement criminel de la gendarmerie (SCRC).

Comment se déroule la procédure ?

Dans un premier temps, les victimes portent plainte auprès de la gendarmerie/police.

Celle-ci ouvre alors une enquête, que l’on nomme « préliminaire ».

Le Procureur décidera ensuite de la suite à donner au dossier :

  • quand aucun auteur n’est identifié, les poursuites judiciaires ne peuvent avoir lieu, et cela aboutira à un classement sans suite. Toutefois, la victime a la possibilité de se constituer partie civile devant le juge d’instruction, afin que celui-ci procède à des investigations supplémentaires (il continue donc l’enquête).
  • lorsqu’un auteur est identifié, le Procureur peut décider que l’affaire soit confiée au juge d’instruction pour pousser plus loin les investigations, ou alors, une audience sera fixée directement pour que l’auteur des faits soit jugé (si il n’y a pas besoin de davantage d’investigations).

Qu’en est-il des enquêtes actuellement ?

Des enquêtes sont ouvertes pour « sévices graves ou actes de cruauté envers un animal domestique apprivoisé ou captif », dès lors que les propriétaires de chevaux ont déposé plainte. [3]

Chaque enquête est géré par les parquets locaux, et la police/gendarmerie locale.

La gestion des enquêtes n’est donc pas encore centralisée, en l’absence d’élément matériel commun aux affaires.

Toutefois, toutes les informations sont partagées et recensées, notamment grâce à l’intervention de l’OCLAESP.

L’OCLAESP et le SCRC suivent en détails les procédures et accompagnent les institutions locales dans leurs investigations.

Egalement, la FFE a annoncé se constituer partie civile aux côtés des propriétaires, dès lors que ceux-ci ont porté plainte. [4]

Aucun auteur n’est pour le moment identifié. Toutefois, un portrait robot d’un auteur présumé a été diffusé par la gendarmerie de l’Yonne.

M

QUE FAIRE EN PRÉVENTION ?

En prévention, la gendarmerie recommande aux propriétaires d’équidés :

  • d’effectuer des rondes régulières autour des prés
  • de signalez les rôdeurs, personnes inhabituelles présentes sur les lieux
  • de placer une caméra de chasse dans le pré
  • de ne pas laisser de licol aux chevaux.

M

QUE FAIRE SI VOUS ETES TÉMOIN DE CES FAITS ?

Si vous êtes témoin de sévices sur chevaux, surtout, n’intervenez pas. Les individus sont a priori, dangereux.

Ne vous mettez pas en danger, ni dans une situation délicate (je vous rappelle que la légitime défense que certains pourraient être tentés d’invoquer, est très strictement encadrée), et appeler immédiatement le 17 !

Dans la mesure du possible, prenez des vidéos ou des photographies, relever des traits caractéristiques des auteurs, et si un véhicule est présent sur place, relever ses plaques.

M

QUELLES SANCTIONS SONT PRÉVUES PAR LA LOI A L’ENCONTRE DES AUTEURS ?

Très sincèrement, des sanctions largement insuffisantes.

L’article L.521-1 du Code pénal est rédigé en ces termes : « Le fait, publiquement ou non, d’exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

En cas de condamnation du propriétaire de l’animal ou si le propriétaire est inconnu, le tribunal statue sur le sort de l’animal, qu’il ait été ou non placé au cours de la procédure judiciaire. Le tribunal peut prononcer la confiscation de l’animal et prévoir qu’il sera remis à une fondation ou à une association de protection animale reconnue d’utilité publique ou déclarée, qui pourra librement en disposer.

Les personnes physiques coupables des infractions prévues au présent article encourent également les peines complémentaires d’interdiction, à titre définitif ou non, de détenir un animal et d’exercer, pour une durée de cinq ans au plus, une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l’infraction. Cette interdiction n’est toutefois pas applicable à l’exercice d’un mandat électif ou de responsabilités syndicales. »

En substance, l’auteur de sévices ou d’un acte de cruauté sur un animal domestique, s’expose à une peine de 2 ans de prison ainsi qu’à 30 000 € d’amende.

Des peines complémentaires peuvent être prononcées, comme l’interdiction de détenir un animal.

C’est peu… Surtout qu’il s’agit des peines maximales pouvant être prononcées…

Éventuellement, pourrait être retenue l’infraction de trafic d’espèces en bande organisée. Cela porterait la peine pouvant être prononcée à 7 ans d’emprisonnement et 750.000 € d’amende (article L.415-6 Code de l’environnement).

Outre la peine prononcée à l’encontre du prévenu, les victimes qui se constituent partie civile peuvent réclamer des dommages et intérêts, en réparation de leur préjudice.

Elles pourront notamment obtenir réparation de leur préjudice moral, mais également, être dédommagées du prix de leur animal.

Nous sommes bien d’accord, cela n’est pas une consolation et est bien insuffisant…

L’auteur pourra t’il cumuler les peines de prison prononcées ?

Voici une question que vous vous posez sûrement. Et la réponse n’est guère satisfaisante…

Il existe en France, la règle du cumul plafonné, règle selon laquelle, le condamné n’exécute les peines prononcées que dans la limite du maximum prévu. C’est l’article L.132-4 du Code pénal qui en dispose ainsi : « Lorsque, à l’occasion de procédures séparées, la personne poursuivie a été reconnue coupable de plusieurs infractions en concours, les peines prononcées s’exécutent cumulativement dans la limite du maximum légal le plus élevé. Toutefois, la confusion totale ou partielle des peines de même nature peut être ordonnée soit par la dernière juridiction appelée à statuer, soit dans les conditions prévues par le code de procédure pénale. »

Cela signifie que si l’auteur des faits est condamné dans un dossier à 12 mois de prison, dans l’autre à 18 mois et dans un autre encore, à 24 mois, il n’exécutera qu’une peine d’emprisonnement de 24 mois, maximum légal pouvant être prononcé pour sévices ou actes de cruauté sur animal domestique, et aura par la même, purgé ses autres peines.

M

Je me suis surprise à imaginer ce que serait ma plaidoirie, si une victime de ces agressions venait à faire appel à mes services. Cette plaidoirie coule de source, et m’est venue tout naturellement.

Je vous partage donc, pour conclure cet article, cette plaidoirie imaginaire qu’a pondu mon esprit.

« Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs du Tribunal,

En toute honnêteté, j’aimerais aujourd’hui être à la place de Madame le Procureur, et requérir contre Monsieur X (auteur des faits). Je vais vous l’avouer, je requérirais la peine maximale, deux ans de prison, afin d’être certaine que Monsieur ne ressortira pas de suite, réitérer ses actes de barbarie. Mais ce n’est pas mon rôle, et je suis ici pour obtenir réparation du préjudice subi par ma cliente.

Je suis moi-même propriétaire d’un équidé, et je ne peux que compatir à l’extrême douleur ressentie par Madame Y (propriétaire).

Vous ne le savez pas, mais ma jument est vieillissante et je me prépare, ou en tout cas, je tente de me préparer à son départ, qui c’est certain, se rapproche. Et rien que le fait d’imaginer sa perte me fend le cœur.

Un cheval, ce n’est pas la même relation qu’avec un chat ou un chien, c’est différent. Un cavalier, propriétaire j’entends, et son cheval, entretiennent des liens qu’il est difficile de décrire. Il faut le vivre pour se rendre compte des liens qui se créent. Un cheval est un membre à part entière de la famille, du couple. C’est un partenaire de danse, un partenaire de vie.

Alors, quand Madame Y a découvert son cheval, mort et mutilé, ce matin du XX, sa peine fut immense et l’est encore aujourd’hui.

D’une part, la perte d’un être aimé, avec lequel Madame Y a construit une relation de longue date. D’autre part, le fait de savoir au vu des blessures présentes sur l’animal, que son décès est intervenu dans un climat de souffrances….

Madame Y voyait son cheval tous les jours. Son cheval la reconnaissait, ils entretenaient une relation construite sur plusieurs années, une complicité à pied comme monté. Madame Y faisait les soins quotidiens à son cheval et ils se connaissaient par cœur.

Elle a perdu, et le mot est fort, comme un enfant.

On ne peut ôter une vie sans être puni en conséquence, qu’il s’agisse d’une vie humaine ou animale, il s’agit d’une vie. Lorsque l’on a de l’humanité justement, on ne s’en prend pas à un animal.

Il est donc sollicité du tribunal de condamner Monsieur X au paiement de X euros pour préjudice financier, au regard de la valeur du cheval, ainsi qu’à X euros pour préjudice moral, bien que cela ne console en aucun cas ma cliente, qui a perdu un être cher, irremplaçable, mais cela pourra et je l’espère, marquer les esprits, alourdir la sanction pour Monsieur, étant donné que celles prévues par le Code pénal me semblent bien faibles. »

M

Bibliographie

[1] Deux chevaux mutilés à Bannalec, pronostic vital engagé pour l’un d’entre eux, [en ligne], publié le 28/08/2020, consulté sur letelegramme.fr

[2] Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP), [en ligne], consulté sur gendarmerie.interieur.gouv.fr

[3] HUNZINGER Emmanuelle, Une enquête ouverte en Île-de-France après la découverte d’un cheval mutilé et mort, [en ligne] publié le 18/08/2020, mis à jour le 20/08/2020, consulté sur france3.fr

[4] LECOMTE Serge, Chevaux mutilés en France : la FFE se porte partie civile et réaffirme sa détermination à lutter contre la maltraitance envers les équidés, publié le 19/08/2020, consulté sur ffe.com

[5] DE GRANVILLIERS Blanche (Me), L’affaire des chevaux mutilés : que dit la Justice ?, consulté sur Journal Jour de galop

4 Comments

Add a Comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *