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DROIT ÉQUIN : ANNULATION DE LA VENTE D’ÉQUIDÉ

Dans cet article consacré à la vente d’équidés, je vais aborder les différents fondements sur lesquels peut se fonder l’annulation d’une vente.

Il est important de garder en tête que les solutions s’offrant à vous pourront être appréciées de manière différente selon que vous soyez qualifié de professionnel ou de consommateur/particulier.

Une riche jurisprudence existe à ce sujet, mais je me contenterai de vous donner quelques lignes directrices.

L’article liminaire du Code de consommation définit comme consommateur : « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ».

A contrario est défini comme professionnel : « toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel ».

Sera généralement considéré comme particulier, le cavalier amateur. En opposition, sera qualifié de professionnel, le marchand de chevaux, le cavalier professionnel ou l’entraineur professionnel.

Certains acteurs peuvent être dans une situation intermédiaire, tel que l’amateur éclairé ou le professionnel qui achète pour son plaisir personnel.

L’intérêt d’une telle distinction réside dans le fait que les dispositions seront généralement plus strictes pour le professionnel, et plus protectrices en faveur du consommateur.

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Les parties sont, préalablement à la vente, soumises à une obligation générale pré contractuelle définie par l’article 1112-1 du Code civil, mais également par l’article L.111-1 du Code de la consommation.

L’article 1112-1 du Code civil dispose : « Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.

Néanmoins, ce devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation.

Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties […] »

Quant à l’article L.111-1 du Code du consommation, il prévoit que : « Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;

2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 113-3 et L. 113-3-1 ;

3° En l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;

4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu’elles ne ressortent pas du contexte, ainsi que, s’il y a lieu, celles relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l’existence et aux modalités de mise en œuvre des garanties et aux autres conditions contractuelles. La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d’Etat […] »

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Il est très fortement recommandé aux parties de dresser un contrat écrit de vente, afin de protéger le vendeur et l’acheteur.

Pour la rédaction de ce contrat, il est préférable de vous faire accompagner par un professionnel, tel qu’un avocat.

Est très fortement recommandé également bien que non obligatoire, de prévoir un essai du cheval et une visite vétérinaire. Ces deux actes sont à établir en conditions suspensives du contrat, afin de soumettre la réalisation de la vente à la validation de ces conditions.

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En cas de vice affectant le cheval, l’acheteur dispose de différents fondements afin de résoudre ou d’annuler la vente d’un cheval. Étudions donc ce panel d’actions.

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  • Les vices du consentement

Les vices du consentement tels que l’erreur et le dol sont une cause de nullité du contrat (article 1131 du Code civil).

L’article 1130 du Code civil dispose que « L’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes […] ».

L’erreur est régit par l’article 1132 dudit Code : « L’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant. »

Quant au dol, l’article 1137 du Code civil dispose : « Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie. »

Les vices du consentement ne seront pas davantage développés dans cet article.

Il est à retenir que l’erreur et le dol doivent remplir certaines conditions énumérées aux articles 1132 et suivants du Code civil, afin d’être retenus comme cause de nullité du contrat.

La nullité signifie qu’en raison d’un vice, le contrat n’a pas été valablement formé. Le contrat est donc réputé ne jamais avoir existé.

Les parties sont replacées dans l’état où elles se trouvaient avant la vente : le vendeur récupère le cheval et rembourse l’acquéreur du prix de vente.

L’acquéreur pourra également solliciter l’octroi de dommages et intérêts.

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  • La garantie de conformité

La garantie de conformité est régie par les articles L.217-1 et suivants du Code de la consommation.

Elle s’applique automatiquement et uniquement si le vendeur est un professionnel, et l’acheteur un particulier. Elle ne peut pas être écartée, même avec une convention contraire.

Cette garantie ne s’applique donc pas en cas de vente entre particuliers, entre professionnels, ou entre un vendeur particulier et un acheteur professionnel.

L’article L.217-4 du Code de la consommation dispose que : « Le vendeur livre un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance. Il répond également des défauts de conformité résultant de l’emballage, des instructions de montage ou de l’installation lorsque celle-ci a été mise à sa charge par le contrat ou a été réalisée sous sa responsabilité.»

L’article suivant précise que : « Le bien est conforme au contrat :

1. S’il est propre à l’usage habituellement attendu d’un bien semblable et, le cas échéant : s’il correspond à la description donnée par le vendeur et possède les qualités que celui-ci a présentées à l’acheteur sous forme d’échantillon ou de modèle ; s’il présente les qualités qu’un acheteur peut légitimement attendre eu égard aux déclarations publiques faites par le vendeur, par le producteur ou par son représentant, notamment dans la publicité ou l’étiquetage ;

2. Ou s’il présente les caractéristiques définies d’un commun accord par les parties ou est propre à tout usage spécial recherché par l’acheteur, porté à la connaissance du vendeur et que ce dernier a accepté. »

La garantie de délivrance conforme inclus non seulement le fait que le cheval soit conforme au contrat, mais également que le vendeur délivre les papiers du cheval (carte de propriétaire, certificat d’immatriculation, livret d’accompagnement).

La présomption d’antériorité est exclue dans le cas de vente d’équidés. L’acheteur devra donc prouver que le défaut de l’équidé est antérieur à la vente.

L’action peut être exercée dans les deux ans à compter de la livraison du cheval (article L.217-1 du Code de la consommation).

L’action en garantie de conformité permet de choisir entre la réparation ou le remplacement du cheval.

La réparation ne se prête pas du tout aux litiges en droit équin. Le remplacement est donc quasi-systématiquement la solution choisie.

Si la réparation et le remplacement du cheval sont impossibles, l’acquéreur pourra se faire restituer le prix de la vente, et rendre le cheval au vendeur. Les parties pourront également prévoir une réfaction du prix, ce qui signifie que l’acquéreur conservera le cheval, contre la restitution d’une partie de son prix.

Dans le cas de la résolution de la vente, l’acheteur n’aura pas à supporter les frais liés à l’entretien du cheval. Des dommages et intérêts pour les frais annexes engagés pour le cheval pourront donc être alloués à l’acheteur.

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  • Les vices rédhibitoires

Il s’agit d’une garantie reconnue d’office.

Elle permet d’obtenir soit la résolution de la vente, soit la restitution d’une partie du prix.

La garantie des vices rédhibitoires est régie par les articles L.213-1 et suivants et R.213-1 et suivants du Code rural.

L’article R.213-1 du Code rural érige une liste limitative des vices rédhibitoires, ce qui signifie que seules les atteintes prévues audit article pourront être retenues comme vices rédhibitoires du cheval.

Il s’agit notamment de l’immobilité, l’emphysème pulmonaire, le cornage chronique, le tic proprement dit avec ou sans usure des dents, les boiteries anciennes intermittentes, l’uvéite isolée et l’anémie infectieuse.

Le vétérinaire doit diagnostiquer le vice. Si la vente ne se résout pas de manière amiable, il faudra demander la désignation d’un expert au judiciaire afin de faire diagnostiquer le vice.

Le délai pour exercer cette action est de dix jours suivant la livraison du cheval. Le délai est porté exceptionnellement à trente jours en cas d’uvéite isolée ou d’anémie infectieuse.

Le délai très court de l’action ne se prête pas particulièrement à la vente d’équidés. La liste limitative ancienne est également non adaptée, puisque non en adéquation avec l’évolution des connaissances scientifiques.

La liste des vices rédhibitoires telles qu’elle existe actuellement, a été établie en 2003, et n’a jamais évolué depuis.

Pour cette raison, la garantie des vices cachés est préférable et beaucoup plus adaptée à la vente de chevaux.

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  • Les vices cachés

L’article L.213-1 du Code rural dispose qu’une convention doit prévoir que la garantie des vices cachés s’applique. A défaut, la garantie des vices cachés ne sera pas applicable, mais seulement la garantie des vices rédhibitoires.

L’intention des parties de déroger aux dispositions du Code rural (notamment la garantie des vices rédhibitoires) et de recourir à la garantie des vices cachés doit être clairement exprimée.

Il est donc primordial d’avoir passé un contrat écrit, et non simplement verbal.

La garantie des vices cachés est régie par les articles 1641 à 1645 du Code civil.

Le vice doit être caché (non apparent, et à apprécier selon les connaissances des parties), antérieur à la vente (parfois difficile à rapporter), et rendre impropre le cheval à son usage ou en diminuer très fortement son usage (d’où l’intérêt de prévoir dans un contrat, l’usage auquel es destiné le cheval, notamment s’il s’agit d’un usage sportif).

Le délai d’action pour engager cette action est de deux ans à compter de la découverte du vice (article 1648 du Code civil).

L’article 1644 du Code civil dispose que : « l’acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, telle qu’elle sera arbitrée par experts. »

La résolution de la vente permet au vendeur d’obtenir le remboursement du prix de l’équidé, mais également des frais dépensés pour la conclusion de la vente (frais de contrat de vente, de transport, ou de la visite vétérinaire d’achat).

Le vendeur professionnel pourra être tenu au remboursement des autres frais engagés par l’acheteur, tels que les frais d’hébergement du cheval post-vente, les frais de ferrure, de vétérinaire, etc. Il en est de même d’un vendeur particulier de mauvaise foi, qui avait connaissance du vice affectant le cheval.

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Conclusion

Un certain nombre d’actions existe donc pour aboutir à l’annulation ou la résolution de la vente d’un cheval.

Le vendeur aura plutôt intérêt à ce que s’applique la garantie des vices rédhibitoires tandis que l’acheteur préfèrera l’application de la garantie des vices cachés.

Il est possible de faire un entre deux, en prévoyant une garantie contractuelle, construite au cas par cas avec les parties.

Il y a énormément de nuances pour l’application de toutes les garanties. Il est donc préférable de vous faire assister d’un avocat.

Pour exemple, dans le cas de la mise en œuvre de la garantie des vices cachés, le professionnel est présumé avoir connaissance du vice. Il devra donc rapporter la preuve contraire. Et s’agissant des dommages et intérêts qui peuvent être alloués à l’acquéreur pour vices cachés, il existe une présomption irréfragable de connaissance du vice par le professionnel.

Ces précisions ont une grande importance, puisque le succès de l’action engagée en dépendra.

Quand cela est possible, préférez la voie amiable, avant d’envisager une action au judiciaire.

Plus encore, encadrez la vente par un contrat écrit afin de sécuriser la relation avec votre cocontractant.

Le cabinet sera ravi de vous accompagner dans cette tâche, alors, n’hésitez pas !

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Bibliographie

CARIUS Manuel, Le droit du cheval et de l’équitation, Droit de l’entreprise agricole, Agridécisions, Editions France Agricole, 2013, pages 76 à 94

Fiches Equipédia, IFCE :

  • La vente – les vices cachés
  • La vente – garantie de conformité
  • La vente – vices du consentement
  • La vente – vices rédhibitoires
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