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DROIT ÉQUIN : ANALYSE DE L’OBLIGATION DE SÉCURITÉ PESANT SUR LES CENTRES ÉQUESTRES

Dans ce nouvel article de la série consacrée au droit équin, il est abordé la relation existante entre un centre équestre et son élève, client, cavalier.

Rappelez-vous, dans mon article « Droit équin : Qui est responsable des dommages causés par/à mon cheval ? » : https://ninalebarque-avocat.fr/droit-equin-focus-sur-larticulation-des-responsabilites-dans-le-cadre-de-la-mise-en-pension-du-cheval, je vous expliquais la différence entre la responsabilité délictuelle et contractuelle.

En l’occurrence, la relation qu’entretient un centre équestre avec un client est contractuelle, un contrat étant passé entre eux, même tacitement. Le paiement d’une prestation par le client suffit à faire naitre ce contrat entre les protagonistes (tout comme lorsque vous achetez votre baguette de pain à votre boulanger).

Attention en revanche, le simple fait de donner des conseils à une connaissance sans paiement d’une contrepartie ne fait naitre qu’une relation délictuelle entre les parties.

Le contrat formé se nomme communément « contrat d’enseignement ».

Il fait naître nombre d’obligations, notamment à la charge du centre équestre, et dont les deux principales sont l’obligation d’assurer la prestation promise, ainsi que la sécurité des clients cavaliers.

Lors d’un cours d’équitation, le moniteur assurant la séance et donnant la leçon peut être différent de celui s’étant engagé sur la prestation.

Tout comme la responsabilité du fait de l’animal que l’on a sous sa garde, il existe une responsabilité du fait de son préposé.

L’article 1242 du Code civil dispose : « On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde. […] Les maîtres et les commettants, du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés. »

Ainsi, le centre équestre sera responsable et devra répondre des manquements ou fautes de ses préposés (salariés) [1].

Tous les acteurs du centre équestre sont tenus à une obligation de sécurité.

Comme déjà abordé dans l’article « Droit équin : Mise en pension du cheval » : https://ninalebarque-avocat.fr/droit-equin-mise-en-pension-du-cheval, il existe deux degrés d’obligations pouvant peser sur une partie : obligation de moyens ou obligation de résultat.

Tandis que la première n’implique que de tout mettre en œuvre pour empêcher la réalisation d’un dommage ou atteindre un résultat, la seconde engage le professionnel à atteindre un résultat donné. La responsabilité du débiteur de l’obligation sera respectivement engagée soit lorsqu’il n’aura pas mis tous les moyens à sa disposition en œuvre, soit lorsqu’indépendamment des moyens mis en œuvre, le résultat n’aura pas été atteint.

Le centre équestre est soumis à une obligation de sécurité de moyens, et ce, quelque soit l’environnement (manège, carrière, forêt…).

De même, le fait qu’un accident ait été causé par le cheval n’a aucune incidence et ne dédouanera pas le centre équestre de sa responsabilité.

L’obligation de sécurité se retrouve sous plusieurs formes. Elle s’applique s’agissant de l’adaptation de la sécurité et de la pédagogie au niveau des cavaliers, la qualité de la cavalerie, la sécurité du matériel.

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Adaptation de la sécurité au niveau des cavaliers

L’obligation de sécurité s’apprécie de manière concrète. Le niveau d’équitation du cavalier ayant subi un dommage est donc pris en compte, ainsi que sa connaissance du danger. En revanche, l’âge du cavalier n’est pas un critère significatif.

De même, l’étendue de l’obligation de sécurité ne sera pas la même en balade, selon le niveau des cavaliers.

Pour exemple, un club n’est pas responsable de l’accident survenu à un cavalier qui connait les règles de sécurité ou lorsque la chute intervient au cours d’une simple marche pour un cavalier ayant un minimum d’expérience. [2]

Cette appréciation est la même lorsque l’accident survient lors d’un cours d’équitation dispensé en manège ou en carrière.

La jurisprudence a tendance à se montrer sévère sur ce point et il ressort qu’à partir du moment où le cavalier a une expérience suffisante, il lui sera difficile de démontrer la preuve d’une violation de l’obligation de sécurité par son club.

A contrario, la responsabilité du centre équestre sera engagée lorsqu’un moniteur laissera un débutant aller chercher son cheval au pré, seul et sans surveillance. [3]

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La qualité de la cavalerie

Les centres équestres doivent confier à leurs cavaliers des chevaux adaptés à leur niveau.

Pour autant, cela ne veut pas dire que le cheval doit être dénué de toute spontanéité.

Il doit simplement ne pas être dangereux ou ne pas avoir certain vices habituels et connus du centre équestre.

De plus, la dangerosité du cheval est appréciée au cas par cas et en tenant compte du niveau du cavalier.

Ainsi, un cavalier débutant devra se voir confier un cheval doux et fiable tandis qu’un cavalier expérimenté pourra se voir confier un cheval plus imprévu, lançant quelques fois des ruades ou embarquant son cavalier, ce dernier ayant le niveau de gérer ces comportements.

Enfin, le dommage subi par un cavalier du fait de réactions imprévisibles du cheval, intrinsèques à son espèce, ne peut pas engager la responsabilité du centre équestre.

Le cheval reste bien évidemment un animal imprévisible, et même la bonne pâte du club peut avoir un moment de sursaut ! [4]

Dès lors, la réaction imprévisible d’un cheval considéré comme non dangereux et adapté au niveau du cavalier ne peut pas engager la responsabilité du centre équestre (pour exemple, un cheval qui se cabre de façon inexpliquée, ou plusieurs chevaux qui embarquent leur cavalier).

En revanche, il appartient au moniteur ayant connaissance d’un comportement anormal ou dangereux d’un cheval de prendre toutes les précautions nécessaires et de choisir avec soin le cavalier qui va le monter, afin de respecter son obligation de sécurité.

Pour exemple, la Cour de cassation a pu juger qu’un centre équestre ne peut pas voir sa responsabilité engagée pour réparer le dommage d’une cavalière tombée de cheval suite à un écart de ce dernier. Pour ce faire, la Haute juridiction retient que le cheval était habituellement monté par de jeunes cavaliers et que la cavalière en question l’avait déjà monté à plusieurs reprises sans difficulté. Le centre équestre n’avait donc pas commis d’erreur sur l’attribution d’un cheval adapté au niveau d’équitation de l’élève. L’obligation de sécurité était respectée. [5]

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La fourniture d’un matériel conforme aux normes de sécurité

Les centres équestres doivent respecter les exigences de sécurité quant à leur matériel. Leur responsabilité pourra être engagée en cas de dommage ayant pour origine un défaut de matériel ou le non-respect des exigences de sécurité.

Il en va notamment du port de la bombe (les centres équestres doivent mettre à disposition des cavaliers des bombes en bon état et de toutes tailles), de l’épaisseur du sable dans les manèges et carrières, de la présence d’un pare-botte.

A ce sujet, l’article A.322-123 du Code du sport dispose : « La conception d’ensemble des équipements, locaux, écuries, manèges, carrières, pistes d’entraînement ainsi que des installations extérieures, prairies, enclos, voies de circulation intérieure et des accès vers l’extérieur de l’établissement doit être compatible avec la nature de l’activité équestre pratiquée, la sécurité des pratiquants, des équidés et des tiers. Ces installations doivent être maintenues en bon état. »

L’article A.322-119 du Code du sport énonce quant à lui que : « Le matériel utilisé pour la pratique équestre ne doit pas être source de blessure pour l’équidé ou le pratiquant et doit être maintenu en bon état et propre. »

Les articles A.322-221 et A.322-222 disposent à leur tour que : « Le port d’un casque conforme aux normes en vigueur est obligatoire pour tout mineur à l’exception de la pratique de la voltige ou lorsque le pratiquant est à pied. » « Lorsque des casques ou gilets de protection sont loués ou mis à disposition des pratiquants, ils doivent être maintenus en bon état et propres. »

Encore, laisser une fiche vide sur un chandelier d’obstacle engagera la responsabilité du centre équestre si un cavalier en venait à se blesser [6]. Moi-même cavalière, j’ai systématiquement constaté dans le centre équestre dans lequel je pratiquais, le respect de cette obligation par les différents moniteurs que j’ai rencontré.

Quant aux lices de carrière, un débat existe sur le fait que la lice en béton entourant la carrière puisse être constitutif d’une faute de la part du centre équestre.

L’article A.322-124 se contente d’énoncer que : « Les lices et pare-bottes doivent être continus, sans aspérité et conçus de façon à prévenir les accidents pour les cavaliers et maintenus en bon état. » Aucun autre texte ne régit la question.

Toutefois, si l’on s’en réfère à l’avis relatif à la sécurité dans les centres équestres émis en avril 2001 par la Commission de sécurité des consommateurs, les lices en béton sont à proscrire.

Sur le port de la bombe, différentes hypothèses doivent être abordées.

Tout d’abord, le cas des salariés du centre équestre.

Conformément à l’article L.4321-1 du Code du travail impose aux salariés le port des équipements de sécurité au sein de l’entreprise. Le port d’une bombe conforme aux exigences européennes (conformément à l’article L.4311-1 du Code du travail) fait partie de ces équipements obligatoires.

Le centre équestre peut donc être déclaré responsable de l’absence du port de bombe de l’un de ses salariés.

De même, le salarié doit se conformer aux exigences de sécurité sous peine d’être licencié.

Ensuite, s’agissant des clients.

Dans le cadre de leçons d’équitation, le port de la bombe par les cavaliers est bien évidemment obligatoire !

Qu’il s’agisse d’enfants venus dans un cadre scolaire, d’initiation à l’équitation ou encore, de cavaliers de petit niveau, le non-port de la bombe sera constitutif d’une faute qui pourra être retenue contre le centre équestre.

Toutefois, s’agissant de cavaliers confirmés, la faute du centre équestre sera plus difficile à rapporter, ces cavaliers étant conscients des risques qu’ils peuvent prendre.

Reste que pour ne prendre aucun risque et exercer en toute sécurité, il est tout de même du rôle du moniteur d’imposer le port de la bombe à tous ses cavaliers lors des cours qu’il mène.

En revanche, dans le cadre d’un accident survenant au sein des infrastructures du club mais non lors d’une leçon d’équitation, notamment pour les cavaliers propriétaires ou demi-pensionnaires qui montent leurs chevaux seuls, en dehors de tout cours, le centre équestre ne pourra pas, en principe, être retenu comme responsable.

En conclusion, la responsabilité du centre équestre ne pourra être recherchée que si la victime prouve que le défaut du port de la bombe résulte d’un manquement à l’obligation de sécurité.

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Exigence de pédagogie et de compétence du personnel encadrant

Les moniteurs d’équitation doivent adapter le déroulé de leurs cours au niveau d’expérience des élèves, ainsi qu’à leurs capacités.

Les moniteurs doivent tout d’abord être compétents. La responsabilité du centre équestre pourra être recherchée si elle met à disposition de ses cavaliers, des personnes non compétentes pour ce poste.

La compétence de la personne peut s’avérer difficile à apprécier. La jurisprudence retient de manière générale que le fait que l’encadrant soit diplômé est un indice déterminant de sa compétence. Toutefois, la victime pourra toujours discuter de la compétence du moniteur.

La présence de personnes non diplômées pour encadrer des cavaliers débutants sera toutefois quasi-systématiquement constitutive de faute retenue envers le centre équestre.

Ensuite, les moniteurs doivent enseigner la pédagogie de la sécurité. Ainsi, ils doivent adapter leurs exercices aux cavaliers, au cas par cas. Les cavaliers doivent avoir le niveau et les capacités de travailler sur un exercice sans qu’il y ait danger excessif.

La Cour d’appel d’Orléans énonce à ce sujet que : « le moniteur d’équitation ne doit pas accroître les risques inhérents à la pratique du sport équestre, mais doit au contraire tenter de les diminuer ». [7]

La jurisprudence vérifie, lorsqu’il y a accident, que le moniteur d’équitation a proposé des exercices adaptés et non trop difficiles à la victime. Dans le cas des promenades, ce sont les itinéraires et les allures qui doivent être adaptés.

Cette obligation de sécurité implique également que le moniteur enseigne à ses cavaliers les règles de sécurité, que ce soit à pied, ou à cheval. Il s’agira notamment d’apprendre aux cavaliers à ne pas passer derrière les fesses d’un cheval, de ne pas mettre une main ou à genou à terre pendant le pansage, l’obligation de porter sa bombe, respecter les distances de sécurité, ou encore, ne pas enfoncer ses étriers à fond sous risque de ne pas pouvoir en sortir son pied en cas de chute.

En plus d’inculquer ces règles, les moniteurs doivent vérifier leur application.

Bien évidemment, ces règles n’ont pas à être rappelées aux cavaliers expérimentés, qui les connaissent normalement parfaitement, sauf à voir que l’un des cavaliers adopte un comportement dangereux.

Pour exemple, l’appréciation est différente face à des organisateurs de promenades ou des loueurs de chevaux. A cet effet, la Cour de cassation dans un arrêt du 27 mars 1985 dispose que : « à la différence du loueur de chevaux, fondé à considérer que ses clients, livrés à eux-mêmes et libres de choisir leur allure comme leur itinéraire, sont de véritables cavaliers acceptant sciemment de courir les risques d’un sport dangereux, l’entrepreneur de promenades équestres s’adresse, au contraire, à des clients qui peuvent tout ignorer de l’équitation et rechercher seulement le divertissement d’un parcours à dos de cheval sur l’itinéraire imposé par les préposés qui les accompagnent. » [8]

L’obligation de moyens sera renforcée concernant des organisateurs de promenades équestres / centre de balades pour touristes.

En effet, le club doit dans ce cas, tenir compte du fait qu’il ne s’agit que d’une équitation très occasionnelle pour le cavalier, ici consommateur.

Il doit alors être encore plus strict sur les règles de sécurité, et adapter considérablement le niveau de difficulté des balades ainsi que le choix de sa cavalerie.

Il sera alors plus facile pour la victime de rapporter la preuve d’une faute par le club.

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Exonération du centre équestre

Le centre équestre sera exonéré de toute responsabilité en cas de force majeure ou de fait d’un tiers remplissant les critères de la force majeure (critères déjà abordés dans l’article « Droit équin : Mise en pension du cheval » : https://ninalebarque-avocat.fr/droit-equin-mise-en-pension-du-cheval).

Il pourra également être exonéré lorsque le cavalier est à l’origine du dommage. Sont ainsi souvent évoqués, la panique du cavalier ou encore, sa perte du contrôle du cheval.

La jurisprudence est très claire sur ce point.

Le fait qu’un cavalier réagisse de façon maladroite ne constitue pas une faute. Cette maladresse, parfois imprudente, est d’autant plus excusable si le cavalier a un faible niveau.

En revanche, commet une faute le cavalier qui enfreint une interdiction claire, ou une règle de sécurité connue, d’autant plus si le cavalier est expérimenté.

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Conclusion

Les centres équestres sont tenus à de nombreuses obligations découlant de leur obligation de sécurité.

Leur responsabilité pourra donc être engagée sur différents points en cas d’accident.

Gardons toutefois à l’esprit que dans certaines situations, le centre équestre n’est pas fautif et l’accident ne résulte que des réactions imprévisibles et spontanées du cheval.

Que vous soyez une structure ou un particulier, en cas d’accident aboutissant sur une action en justice, prenez un avocat qui sera à même d’allier connaissances équestres techniques et maîtrise du droit !

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[1] 1ère civ., 26 janvier 1988, Dalloz, 1989, p.409

[2] CA Paris, 24 mars 2000, D., 2000, IR, p.139 ; CA Rouen, 8 décembre 1999, JurisData n°108860 ; CA Paris, 31 octobre 2000, JurisData n°141722

[3] 1ère civ., 18 nov. 1986 : Bull. civ. I, n°270

[4] CA Paris, 7ème ch., sect. A, 28 janvier 2003, n°2001/8202 ; CA Nancy, 1ère ch. Civ., 9 janvier 2012, n°11/00409

[5] 1ère civ., 16 mars 1970, Bull. civ. I, n°103

[6] CA Paris, 23 décembre 1985, JurisData n°027379

[7] CA Orléans, 30 nov. 1994, JurisData n°050310 ; JCP G, 1995, IV, n°1222

[8] 1ère civ., 27 mars 1985, Bull. civ. I, n°111

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Bibliographie

CARIUS ManuelLe droit du cheval et de l’équitation, Droit de l’entreprise agricole, Agridécisions, Editions France Agricole, 2013

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