De retour sur le blog, après une période de travail acharné, d’où l’absence d’articles.
A la suite de plusieurs demandes de clients/consoeurs/ami(e)s (merci de me suivre et de me faire vos retours ! :)), on se retrouve aujourd’hui pour un article en droit équin, et plus précisément, une analyse de jurisprudence.
(D’ailleurs, j’aimerais bien que vous me laissiez un commentaire avec les sujets que vous aimeriez que j’aborde dans un prochain article.)
Sur le site de l’Institut de droit équin, j’ai vu passer une actualité juridique : l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris, le 19 octobre 2021 (n°19/15091).
L’occasion pour moi, d’aborder une nouvelle fois les notions d’obligations liées au contrat d’enseignement, et notamment, l’obligation de sécurité, pesant sur les centres équestres.
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Les faits donnant lieu à l’arrêt étudié sont simples : Madame X, non cavalière, a signé un contrat avec un centre équestre, aux fins de faire une balade à cheval. En voulant descendre de cheval, Madame X est tombée, se fracturant le sacrum. Elle recherche alors la responsabilité du centre équestre, pour manquement à son obligation de sécurité. Il convient de préciser que le moniteur encadrant était en train d’expliquer aux participants comment descendre correctement de cheval, lorsque Madame X a chuté. Egalement, Madame X n’a demandé aucune aide pour descendre, alors même qu’elle n’avait pu se mettre à cheval seule.
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A titre liminaire, rappelons que la relation qu’entretient un centre équestre avec un client est contractuelle. On nomme le contrat qui naît de cette relation : le contrat d’enseignement.
Ce contrat fait naître principalement deux obligations : l’obligation d’assurer la prestation promise, ainsi que la sécurité des clients cavaliers.
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L’arrêt étudié permet de rappeler que l’obligation de sécurité pesant sur les centres équestres est une obligation de moyens. L’obligation de moyens n’implique que de tout mettre en œuvre pour empêcher la réalisation d’un dommage ou atteindre un résultat. Elle n’engage pas le professionnel à atteindre un résultat donné.
Cette distinction emporte une conséquence importante : en cas d’obligation de résultat, il n’est possible d’être exonéré de sa responsabilité qu’en rapportant la preuve d’une force majeure, fait d’un tiers ou faute de la victime, alors que dans le cadre de l’obligation de moyens, c’est à celui qui le revendique de rapporter la preuve d’une faute dans l’obligation de sécurité.
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Que contient concrètement cette obligation de sécurité pesant sur les enseignants ?
Ils ont les obligations d’adapter la séance en fonction du niveau de cavalerie, de confier à leurs cavaliers des chevaux adaptés à leur niveau, de fournir un matériel conforme aux règles de sécurité, de faire preuve de pédagogie et de compétence dans l’encadrement.
En l’occurrence, la victime mettait en cause le centre équestre, lui reprochant de ne pas avoir pris toutes les précautions nécessaires à la promenade, ce qui aurait entraîné sa chute. La victime, âgée de 58 ans, reprochait notamment au centre, de lui avoir donné une monture trop grande.
La monitrice encadrant la promenade était compétente et pédagogue. La sécurité et les instructions données étaient conformes au niveau des cavaliers présents pour la promenade. Ses compétences ne sont pas remises en cause. L’obligation de sécurité implique également que le moniteur enseigne à ses cavaliers les règles de sécurité, ce que le moniteur était en train de faire en l’espèce. Ce point est donc écarté.
Concernant la monture, celle-ci était tout à fait adaptée au niveau de la plaignante. Le fait qu’elle soit « grande » n’a aucune incidence. Un cavalier débutant devra simplement se voir attribuer un cheval doux et fiable, plutôt qu’un cheval plus imprévu. De plus, la responsabilité du centre équestre ne pourra être recherchée du fait d’une réaction imprévisible du cheval… En l’espèce, le centre équestre n’a pas commis d’erreur sur l’attribution du cheval.
Sur le niveau de difficulté, là encore, ce point est écarté.
Aucun manquement du centre équestre n’est donc rapporté.
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Cet arrêt permet également de mettre l’accent sur la charge de la preuve. C’est à celui qui se dit victime du fait d’un défaut de sécurité de la part de l’encadrant, que revient la charge de la preuve.
Il devra donc prouver une faute du centre équestre, pour engager sa responsabilité.
En l’occurrence, la Cour d’appel de Paris a estimé qu’une telle preuve n’était pas rapportée, pour les raisons évoquées ci-dessus.
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Les circonstances de l’accident laissent également à s’interroger : la victime n’a demandé aucune aide pour descendre, alors même que la monitrice encadrant la balade était en train d’expliquer comment descendre correctement de sa monture.
La cavalière est donc également à l’origine de son dommage.
Il est à rappeler, que la « faute » du cavalier sera appréciée au regard de son niveau. Dans l’arrêt étudié, la victime n’était pas une cavalière expérimentée, bien au contraire.
Pour autant, elle n’a pas respecté et attendu les consignes de sécurité dictées par le moniteur.
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Pour conclure sur cet arrêt, la Cour d’appel de Paris déboute la cavalière ayant chuté pour deux raisons :
- Aucune preuve d’un manquement à l’obligation de moyens pesant sur le centre équestre n’est rapportée (cheval adapté, encadrant compétent, difficulté de la balade adaptée),
- La victime est en partie à l’origine de son dommage, en voulant descendre sans attendre les consignes de sécurité du moniteur encadrant.
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Les chutes de chevaux sont source de nombre décisions de justice. Celles-ci permettent d’établir que l’obligation de sécurité pesant sur les centres équestres est systématiquement appréciée au regard du niveau du cavalier. (pour exemple, Cour d’appel de Lyon du 29 mars 2016 ; Cour d’appel de Paris du 18 décembre 2015 ou encore, l’arrêt de la deuxième chambre de la Cour de cassation du 09 juin 2016, ou celui de la première chambre civile du 19 mai 2021, pourvoi n°20-11.758). C’est également ce qu’a fait la Cour d’appel de Paris dans l’arrêt étudié.
Vigilance doit donc être maintenue de la part des centres équestres, notamment, pour les cavaliers non expérimentés.
Pour approfondir ces questions, je vous dirige vers mon article : DROIT ÉQUIN : ANALYSE DE L’OBLIGATION DE SÉCURITÉ PESANT SUR LES CENTRES ÉQUESTRES : https://ninalebarque-avocat.fr/droit-equin-analyse-de-lobligation-de-securite-pesant-sur-les-centres-equestres .
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Egalement, vous trouverez ci-dessous quelques extraits de décision, pour exemple :
Aucune faute de la part des centres équestres : non-responsables
« 2/ Sur la responsabilité de l’entrepreneur de promenade équestre : A – L’article A 322-128 du code du sport dispose qu’« Il ne doit pas être demandé à un équidé un travail auquel il n’est ni apte, ni préparé, risquant de mettre en danger sa santé et la sécurité du cavalier. » Il ressort des pièces que la ferme a réouvert au public le 7 avril 2012.
Il ne se déduit pas du fait que l’accident a eu lieu le premier jour de la remonte que les chevaux n’étaient pas préparés avant. Il n’est dans les usages d’aucun éleveur de confiner en hiver les chevaux à l’écurie alors que ces animaux supportent le froid et qu’ils sont sortis toute l’année au pré où ils s’ébattent et sont montés par leur propriétaire.
Il ressort de la feuille d’examen de la ligue équestre de Wallonie Bruxelles que [F] [B] avait obtenu son étrier d’argent par 32 points sur 40 à la théorie et 40 points sur 60 à l’équitation soit 73 points sur 100. L’étrier d’argent de [F] [B] sanctionnait au moins une connaissance théorique et pratique des trois allures, qui sont la base de l’art équestre, notamment galoper « en équilibre, le rein au-dessus de ses pieds en décontraction ».
L’adolescente a ainsi marché, trotté et galopé sur « Redzia » qui s’est emballé à la fin des deux heures de la ballade à l’approche de l’écurie. Si la jeune cavalière a été capable de mener sa monture presque jusqu’à la fin sans tomber, c’est que le caractère de ce cheval n’est pas difficile et qu’il n’était pas énervé sinon il se serait débarrassé d’elle beaucoup plus tôt.
Il n’en demeure pas moins que tout cheval est un être vivant, susceptible de développer des comportements imprévisibles comme celui de vouloir se débarrasser de son cavalier au bout d’un certain temps. Ce caractère vivant est l’un des défis que l’équitation présente à ses pratiquants. Il ne se déduit pas de la chute que le cheval attribué a été mal choisi et préparé, compte tenu du niveau affiché de [F] [B]. » [3]
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« Les consorts [B] prétendent que [F] [B] était une jeune cavalière débutante qui s’est présentée le jour de la réouverture des portes de la ferme équestre pour foire une promenade à cheval après une longue période hivernale de repos toi al pour les chevaux. Ils indiquent que le cheval s’est emballé au galop, ce qui pourrait s’expliquer selon eux par :
Le fait que le cheval après une période d’inactivité n’a pas pu résister à l’envie de galoper,
La cavalière n’a pas pu réfréner cette envie car le cheval ne correspondait pas à son niveau équestre,
Le personnel encadrant n’est pas intervenu pour éviter ce départ au galop, l’endiguer ou arrêter le cheval,
Le choix du parcours non approprié à une promenade pour débutants,
[P] [C] et Groupama d’Oc répliquent que le déroulement des faits présenté dans l’assignation est inexact ; que le cheval n’a pas pris le galop de manière inopinée sans que sa cavalière ne parvienne à l’arrêter comme l’indiquent de manière erronée les consorts [B]. Selon eux, il est inexact de prétendre que le cheval monté par [F] [B] cherchait à rattraper les chevaux galopant devant lui, dans la mesure où, pour éviter ce problème, [O] [V] galopait juste devant le cheval monté par [F] [B] pour maîtriser la vitesse du galop ou que la distance entre les cavaliers n’était pas suffisamment importante pour que REDZIA souhaite rattraper les autres. Ils ajoutent qu’il n’est pas établi qu’un cheval rue parce que son cavalier tente de le ralentir.
[P] [C] et Groupama d’Oc affirment que lors d’une période de de galop (volontaire et qui n’était la première de la promenade, le cheval REDZIA que montait [F] [B] a fait une ruade soudaine qui a déséquilibré la cavalière qui a chuté ; que ceci ressort de la déclaration d'[B] [B] du 07/09/2014 et de la lettre de la GMF du 12/01/201 ; qu’ensuite, la cavalière est remontée à cheval et a terminé tranquillement la promenade ; qu’on ignore pour quelle raison le cheval a rué, aucun événement extérieur n’étant intervenu.
Les consorts [B] à qui incombe la charge de la preuve, ne rapportent pas la preuve que le cheval n’a pas résisté à l’envie de galoper, que sa cavalière n’a pas pu réfréner cette envie ; que le personnel encadrant n’est pas intervenu pour éviter ce départ au galop ; que [F] [B] ait été impressionnée par la vitesse du galop.
La promenade était encadrée par [O] [V], monitrice d’équitation, diplômée d’Etat [Q] [U], accompagnatrice à l’essai, était également présente, soit deux accompagnants pour seulement deux clients, la deuxième cliente étant la fille de [P] [C], [O] [X], cavalière déjà expérimentée. Le brevet d’Etat d'[O] [V] est le BEES 1 (brevet d’Etat d’éducateur sportif du premier degré), diplôme qui sanctionne le monitorat (le BEES1 ayant été depuis remplacé par le BPJEPS). [P] [C] produit la carte professionnelle d’éducateur sportif d'[O] [V].
Ainsi, [Q] [U] ayant travaillé à la ferme équestre attesté que « Mr [P] [C] et Mlle [O] [V] ont toujours était (sic) très vigilants concernant la sécurité Mes cavaliers aussi bien dans l’enceinte de la ferme et aussi en extérieur » (pièce 12).
[Z] [R] écrit « je peux certifier du professionnalisme de [V] [O]. C’est une accompagnatrice très attentive à ses cavaliers, qui leur donnait toujours des instructions précises et maîtrisait l’allure de ses galops pour la sécurité de tous » (pièce 11). En conséquence, aucun défaut d’encadrement n’est caractérisé.
[F] [B] n’était pas une cavalière débutante, mais avait un niveau de galop 3 et était licenciée dans un club [Établissement 1]. [I] [D] précise qu’elle montait dans son club [Établissement 1] (pièce adverse n°7). Il en résulte qu’elle était ainsi apte à galoper en extérieur.
Selon la pièce n°1, 10 heures de promenade ont été effectuées.
Concernant le caractère inadapté de la promenade, [P] [C] et Groupama d’Oc soutiennent qu’il est faux de prétendre que le fait que [F] [B] soit précédée de deux chevaux soit un « manquement supplémentaire à la sécurité ». En effet, le fait d’être précédée par un autre cheval (ou plusieurs) permet à la fois de maintenir l’allure (de ne pas rompre au trot) et à ta fois de ne pas aller trop vite, le cheval devant le sien l’empêchant d’aller trop vite et de se faire « embarquer ». Selon eux, il serait au contraire très dangereux de faire galoper un cavalier de petit niveau en tête de promenade, celui-ci pouvant ne pas maîtriser l’allure et aller trop vite, ou avoir son équilibre perturbé par les éventuels écarts que peut potentiellement faire un cheval en tête (et que ne font pas normalement ceux qui le suivent). Ils précisent que le terrain, un chemin en terre blanche adapté aux promenades à cheval, n’est pas en cause dans la chute ; qu’il s’agissait d’une promenade d’environ deux heures ; que les cavaliers avaient fait prendre plusieurs fois le galop à leurs chevaux sans que [F] [B] n’éprouve la moindre difficulté ; que ce n’est qu’au cours au dernier galop que [F] [B] est tombée après une ruade. Ils affirment que le cheval se promenait donc depuis plus d’une heure et avait galopé plusieurs fois ; qu’il n’est pas démontré que celui-ci n’était pas suffisamment décontracté avant de galoper car l’ouverture de la ferme équestre au public en avril 2012 ne signifie pas que les chevaux pendant la période de fermeture à la clientèle ne sont pas travaillés
Comme le soulignent [P] [C] et Groupama d’Oc, le cheval est un animal qui peut parfois avoir des mouvements brusques. Et qu’une ruade ne fait pas inéluctablement chuter le cavalier.
Concernant le cheval, REDZIA, [P] [C] et Groupama d’Oc soutiennent qu’il était arrivé à la ferme à l’automne 2010 et habituellement monté par des cavaliers de petit niveau, celui-ci étant facile, très calme et n’ayant peur de rien. Ils estiment que 1e cheval était adapté au niveau de la cavalière. Le choix des allures et du terrain était adapté à [F] [B] et au cheval qu’elle montait.
[Z] [R], chargée de mission éthologie/comportement équin, indique dans son attestation : « J’étais présente lorsque le cheval REDZIA est arrivé. J’ai eu l’occasion de le monter à de nombreuses reprises et pour moi il ne présente aucune difficulté particulière. C’était un cheval calme qui gardait sa place dans la ligne des autres chevaux de la balade mis chercher à doubler. Il était régulièrement monté par des cavaliers de faible niveau sans le moindre problème.
Je n’étais pas présente lors de la promenade durant laquelle [F] [B] est tombée mais j’ai eu l’occasion de monter avec elle sur d’autres balades. C’était une cavalière dont le niveau était largement suffisant pour monter REDZIA » (pièce n°11). « les chevaux étaient toujours travaillés plusieurs semaines avant l’ouverture de la ferme pour être prêts pour les clients » (pièce n°11). [D] [P], cliente de la ferme dans son attestation indique que REDZIA « était considéré comme un cheval de niveau débutant par l’ensemble des cavaliers habitués de la Servie » (pièce n°15), « comme chaque déb[u]t de saison, les chevaux sont remontés en amont par des cavaliers confirmés, même les chevaux attribués aux petits niveaux, afin de les détendre d’une longue période de repos hivernal. Le cheval REZIA avait été comme tous tes autres chevaux remis en condition pour ta saison » (pièce n°15). [Q] [U], présente lors de la promenade, indique quant à elle « ayant travaillé à la ferme équestre la Servie, je peux faire part des faits suivants. Redzia est un cheval très calme, gentil il est très apprécié des petits niveaux. En effet, je n’ai jamais eu de problème avec REDZIA » (pièce n°12), [W] [X] indique avoir passé des vacances à la ferme de le Servie que sa fille alors âgée de 11 et 12 ans pendant les étés 2011 et 2012 relate « ma fille [K] n’a aucun niveau particulier en équitation, elle venait juste de découvrir ce loisir pendant l’été 2011, donc débutante. Ma fille [K] a eu l’occasion de monter régulièrement REDZIA (qui était, je pense son cheval préféré) car c’est un cheval facile pour les débutants, pas nerveux et d’un petit gabarit. À aucun moment, pendant les nombreuses randonnées (même une sortie nocturne) ma fille [K] s’est sentie en danger sur ce cheval, bien au contraire » (pièce n° 13).
Aucun manquement à l’obligation de sécurité n’est donc établi et les consorts [B] ne rapportant aucunement la preuve d’une faute de [P] [C] doivent être déboutes de toutes leurs demandes en paiement, étant en tout état de cause observé que concernant le préjudice allégué, les consorts [B] ne produisent pas de certificat médical initial de constatation de blessures dans les jours qui ont suivi l’accident’ et que l’évaluation du coût a etc faite de manière non contradictoire par le centre dentaire MEISER le 01/10/2014, soit deux ans après la chute de cheval. » [3]
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« a relevé que Mme X… était déjà titulaire du galop 3, ce qui ne lui interdisait pas de monter au cours d’une reprise des petits chevaux et non plus seulement des poneys, a souverainement apprécié qu’aucune inadéquation entre le niveau des cavaliers et les exercices effectués au cours de la reprise n’était démontrée et qu’ainsi aucun manquement à l’obligation de sécurité de moyens et, en conséquence, aucune responsabilité, ne pouvait être retenus à l’encontre de l’association » [5]
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« Attendu que malgré son âge, Mme G. était titulaire du ‘Galop 4″ et préparait le ‘Galop 5″, qui prévoit, au titre de la pratique équestre, le fait d »être stable et décontracté sans étriers aux 3 allures’ ; que le fait d’avoir demandé à l’élève préparant ce galop de terminer la séance sans étriers ne relève pas d’un manquement fautif, compte tenu de son niveau ;
Attendu que le cours était assuré par une monitrice expérimentée qui encadrait habituellement Mme G. ;
Attendu que cette dernière connaissait le poney pour l’avoir déjà monté lors de leçons précédentes ; que si elle a rencontré des difficultés dans sa préparation en raison de l’agitation de l’animal, elle y est néanmoins parvenue et a pu effectuer
la plus grande partie de la séance d’équitation jusqu’à sa chute survenue en fin de leçon, la monitrice ajoutant même
qu’elle ‘s’en sortait très bien’ ; que contrairement à ce qu’elle soutient, aucun élément ne démontre que le cours ait été
‘extrêmement difficile avec un poney très agité’, et que la monitrice ait adopté un comportement inadapté en
sous-estimant la dangerosité de l’animal et en n’interrompant pas le cours ; qu’il n’est pas non plus établi qu’avant la
chute, Mme G. présentait un état de fatigue inhabituel qui aurait dû conduire à ne pas faire pratiquer l’exercice sans
étriers qui correspondait au niveau d’équitation de l’élève ;
Attendu que la cause et les circonstances mêmes de la chute restent indéterminées ; qu’en particulier, il n’est pas démontré que celle-ci résulte du comportement du poney ;
Attendu qu’il découle de ce qui précède que Mme G. ne rapporte pas la preuve des manquements fautifs à son obligation
de sécurité qu’elle impute au centre équestre ; que le jugement qui l’a déboutée de ses demandes doit être confirmé ; » [6]
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« Par ailleurs, la responsabilité du centre équestre doit être appréciée au regard du niveau de pratique de la victime. En
effet, lorsque le cavalier est confirmé, l’obligation moyen pour sa sécurité est allégué, notamment en ce qui concerne
l’équipement, le choix de la monture et les exercices proposés.
Au regard de ces principes et après une exacte appréciation des faits pour laquelle ils se sont appuyés sur les éléments
de l’enquête préliminaire de gendarmerie, les premiers juges ont fait une juste application de la loi en décidant que le
centre équestre des gardes forestiers de la Charente-Maritime n’a pas manqué à son obligation de sécurité et de prudence à l’égard de Monsieur P sauf à préciser les points suivants :
- les circonstances exactes de la chute ne sont pas connues, Monsieur P n’ayant aucune mémoire de cet instant et les
deux autres cavalières qui se trouvaient en tête de la patrouille n’ayant pas assisté de visu à l’accident ; cependant, dès
lors qu’il n’est pas allégué que la chute a été causée par une cause étrangère et que selon toute vraisemblance, le cheval monté par Monsieur P a voulu rattraper les deux autres montures qui le devançaient, il n’est pas nécessaire afin d’apprécier la responsabilité du centre équestre d’appréhender l’accident de manière plus précise, étant rappelé que tout déplacement à cheval comporte un risque, même pour un cavalier confirmé et que celui-ci a un rôle actif pouvant entraîner au moins pour partie le dommage ; - si elle était établie, la panne affectant le bon fonctionnement de la radio confiée à la patrouille et destinée à contacter la personne encadrant le groupe de cavaliers, en l’espèce le directeur du centre, n’a pas eu de conséquence sur l’importance du dommage puisqu’elle a pu être utilement remplacée par le téléphone portable de l’une des cavalières pour avertir l’encadrement et par suite appeler les secours, peu important à cet égard que les cavalières aient gardé leurs téléphones avec elles au mépris des règles de fonctionnement du centre ;
- Monsieur P, âgé de 19 ans, participait à une formation professionnalisante en vue d’intégrer une brigade équestre de
police municipale ou rurale qui nécessitait un très bon niveau d’équitation, soit le diplôme Galop 6, Monsieur P ayant
même un niveau supérieur (Galop 7) ; il était à la fin de son stage théorique qui avait débuté le 12 mars 2007 pour se
terminer le 31 août et devait poursuivre par un stage pratique ; dans ce contexte, il était parfaitement normal, voire
même nécessaire, qu’à ce stade de la formation, les stagiaires effectuent seuls un exercice de patrouille (surveillance et balisage), aucune faute de surveillance et de prudence n’étant caractérisée à l’encontre du centre de formation dès lors
que cet exercice était pratiqué sur un chemin ne comportant aucun danger particulier et connu des stagiaires pour l’avoir déjà pratiqué à deux reprises avec un encadrement et qu’un moniteur, en l’espèce le directeur du centre, se tenait dans les parages, pouvait être joint à distance et les attendait à la fin du parcours ; - Monsieur P était un cavalier aguerri, se destinant à une profession faisant appel à ses qualités dans la pratique de ce
sport ; à ce niveau de qualification (Galop 7) et d’implication dans l’équitation, et compte-tenu de son âge, il était en
mesure de veiller à sa propre sécurité, notamment quant au choix de son équipement, et en particulier de la protection
par casque ; » [7]
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Faute du centre équestre : responsabilité retenue
« qu’en agissant ainsi, le centre hippique n’a pas mis en œuvre les moyens nécessaires pour éviter la brusque réaction de plusieurs chevaux, à la suite de l’embardée de l’un d’entre eux, monté par un enfant, au sortir d’un bois, ce qui témoigne, de surcroît, du caractère inadapté du choix de ces chevaux pour l’usage qui en était attendu ;
Attendu que ce défaut de respect de l’obligation de sécurité de moyens est à l’origine directe de la chute de Madame S., sans que la responsabilité du cavalier dont le cheval serait entré en collision avec la monture de celle-ci, à supposer ce fait démontré, ne puisse être imputable au dit cavalier, la survenance du dommage trouvant sa cause déterminante dans le défaut de précaution prise pour faire garder l’allure du pas à la file de chevaux ». (pour un défaut d’information sur la manière de se tenir en selle et de tenir les rênes alors que la victime s’était déclarée débutante [9]
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« qu’en décidant de ne pas les cantonner à une promenade plus sécurisée, en manège, malgré leur ignorance en matière d’équitation, le guide qui savait pertinemment que ses cavaliers étaient incapables de commander l’allure de leur cheval, se devait de veiller à maintenir une promenade au pas avec un groupe rassemblé ; que le fait que certains cavaliers aient été distancés, impliquait forcément, puisque ceux-ci n’étaient pas aptes à diriger leur monture, que les chevaux rejoignent le groupe au trot ou au galop, selon leur bon vouloir ». [10]
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« L’organisateur d’une promenade à cheval est responsable sur le plan contractuel envers ses clients mais n’est tenu, quant à leur sécurité, que d’une obligation de moyens, qui lui impose néanmoins de mettre en oeuvre tous moyens afin d’empêcher qu’un accident se produise ou à défaut qu’il ait de graves conséquences corporelles pour le cavalier.
En l’espèce, le tribunal a considéré que la preuve d’une faute par le centre équestre n’était pas démontrée.
Les circonstances de la chute du cheval monté par Mme A le 25 août 2009 ne sont pas contestées devant la cour et il ressort des témoignages que ce cheval, et plusieurs autres se sont emballés lors d’une balade sur la plage après avoir été effrayés par l’arrivée derrière eux d’un deltaplane.
C’est de manière pertinente que le tribunal a considéré que l’analyse du parcours emprunté par les cavaliers ne démontrait aucune faute particulière, que le groupe de 19 participants était encadré de trois moniteurs tous diplômés de brevets d’état et que le cheval confié à Mme A n’apparaissait pas inadapté à son statut de cavalière inexpérimentée.
En revanche, il ressort des pièces versées aux débats que si la présence des deltaplanes sur cette plage était indue, elle était cependant connue, les moniteurs du centre équestre les ayant clairement vus en arrivant sur cette plage.
Dans sa déclaration adressée à l’assureur, au nom du centre équestre de Sauveterre, Mme Y indique en effet : ‘Le 25 août 2009, un accident est survenu à cause de la présence de deltaplanes sur la plage, pourtant interdits. Nous leurs avions demandé au préalable de ne pas venir voler du côté où se trouvaient les chevaux. Il est arrivé derrière, la voile a claqué. Les chevaux ont sursauté.’
Cette présence de deltaplanes est confirmée par l’attestation de B C qui indique : ‘Nous sommes arrivées sur le sable. Nous avons commencé tout doucement à trotter quand des personnes présentes sur la plage ont déployé des immenses cerf-volants alors que c’était interdit qui ont effrayé les chevaux’ et par celle de H I qui atteste : ‘les chevaux étaient calmes et gentils jusqu’à l’arrivée par derrière d’un deltaplane qui est venu tomber sur les chevaux alors que l’une des enseignantes les avait prévenus du danger au préalable en allant au devant’.
Il ressort de ces témoignages que lorsque le groupe de cavaliers est arrivé sur la plage, les deltaplanes étaient déjà sur place et que les moniteurs les ont vus, leur demandant même de ne pas voler de leur côté.
Le Centre Equestre de Sauveterre ‘Le Ranch’ ne peut donc soutenir que la cause de la chute, en l’occurrence, la présence des deltaplanes, était imprévisible puisqu’au contraire les moniteurs les avaient vus et étaient conscients que leur présence représentaient un danger, en ce qu’ils pouvaient effrayer les montures, sans quoi, ils ne leurs auraient pas demander de ‘ne pas voler du côté des chevaux’. Cette précaution était judicieuse mais insuffisante, d’autant que les deltaplanes, par hypothèse soumis au vent, ne peuvent pas facilement diriger leur trajectoire.
En poursuivant néanmoins la ballade sur la plage alors qu’il était conscient du danger, sans s’assurer que les deltaplanes avaient quitté les lieux ou étaient réellement hors de portée pour les chevaux, le Centre Equestre de Sauveterre ‘Le Ranch’ qui, en tant que professionnel de l’équitation, sait que les chevaux sont facilement effrayés, a commis une imprudence qui est à l’origine directe de l’affolement des chevaux et de la chute de Mme A, dont il n’est pas contestée qu’elle était une cavalière inexpérimentée.
Il convient donc d’infirmer le jugement et de retenir une faute du Centre Equestre de Sauveterre ‘Le Ranch’ à l’origine de la réalisation du dommage de Mme A. » [11]
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« A la différence du loueur de cheveux, dont la clientèle se compose de « véritables cavaliers », habitués à se tenir sur leur monture en la faisant galoper ou trotter dans les directions choisies par eux et qui acceptent dès lors de courir des risques en se livrant sciemment à la pratique d’un sport dangereux, l’entrepreneur de promenades équestres s’adresse à de « simples touristes », ignorant tout de l’équitation, pour leur procurer le divertissement d’un transport à dos de cheval selon un itinéraire déterminé ». [4]
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Merci pour votre lecture ! 😉
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[1] Arrêt de la Cour d’appel de Paris, 19.10.2021, n°19/15091
[2] Chute de cheval lors d’une promenade : Comment savoir si le centre équestre est responsable ? [en ligne], publié en novembre 2021, consulté sur institut-droit-equin.fr
[3] Arrêt de la Première chambre civile de la Cour de cassation en date du 19 mai 2021, pourvoi n° 20-11.758
[4] Arrêt de la Première chambre civile de la Cour de cassation en date du 27 mars 1985, pourvoi n°83-16.468
[5] Arrêt de la Deuxième chambre civile de la Cour de cassation en date du 09 juin 2016, pourvoi n°15-19.020
[6] Arrêt de la Cour d’appel de Lyon en date du 29 mars 2016, n°14/05452
[7] Arrêt de la Cour d’appel de Paris en date du 18 décembre 2015, n°14/15461
[8] Responsabilité des centres équestres. L’obligation de sécurité évaluée à l’aune du niveau du cavalier [en ligne], publié le 29 septembre 2016, consulté sur institut-isbl.fr
[9] Jugement du Tribunal de grande instance de Paris en date du 25 septembre 2003
[10] Jugement du Tribunal de grande instance de Rodez en date du 07 juillet 2004
[11] Arrêt de la Cour d’appel de Poitiers, en date du 24 juin 2016