Lors d’un précédent article (« Droit équin : qui est responsable des dommages causés par/à mon cheval ? » : https://ninalebarque-avocat.fr/droit-equin-focus-sur-larticulation-des-responsabilites-dans-le-cadre-de-la-mise-en-pension-du-cheval), j’abordais les règles de responsabilité applicables en droit équin, et notamment la responsabilité délictuelle du fait des choses/des animaux que l’on a sous sa garde.
Dans l’article du jour, est étudié un arrêt de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation, du 16 juillet 2020. [1]
Il s’agit d’une application (en somme, d’un cas pratique !) des règles de responsabilité étudiées lors de l’article susmentionné.
M
En l’espèce, lors d’une manifestation taurine, un spectateur fut blessé. C’est un cheval monté, qui s’est emballé, qui est à l’origine de la blessure.
Le spectacle était organisé par une association, et supervisé par un manadier. Celui-ci avait donc pour rôle de superviser le spectacle, mais également de sélectionner les cavaliers et chevaux participant à la manifestation.
Attention, il est à noter qu’il n’existait aucun lien de subordination entre le manadier et les cavaliers, ce premier n’étant en aucun cas le « patron » de ces seconds.
La question se pose donc de savoir si le transfert de garde s’est opéré au profit du manadier.
M
Pour rappel, l’article 1243 du Code civil dispose que : « Le propriétaire d’un animal, ou celui qui s’en sert, pendant qu’il est à son usage, est responsable du dommage que l’animal a causé, soit que l’animal fût sous sa garde, soit qu’il fût égaré ou échappé. »
La jurisprudence est venue définir la notion de « garde » de la chose. En effet, le gardien n’est pas toujours le propriétaire de la chose, puisqu’il peut s’agir de son utilisateur.
Le gardien est celui qui a l’usage, la direction et le contrôle de la chose.
L’usage est le fait de se servir de la chose. La direction est le fait de pouvoir utiliser la chose de manière autonome. Enfin, le contrôle de la chose est sa maîtrise matérielle, permettant par exemple, d’empêcher la survenance d’un dommage.
Il existe une présomption simple que le propriétaire est le gardien de la chose. Le propriétaire peut alors renverser cette présomption, en démontrant qu’au moment du dommage, il n’était pas le gardien de la chose. Cela a une importance primordiale pour l’indemnisation de la victime de dommages.
M
Dans notre cas, en première instance et en appel, respectivement le Tribunal de grande instance d’Alès ainsi que la Cour d’appel de Nîmes condamnent l’association pour manquements à la sécurité, et retiennent également la responsabilité du manadier.
Pour se faire, les juridictions disposent que le cavalier obéissait aux ordres du manadier. Ainsi, un lien de préposition existait entre eux, excluant la qualité de gardien du cavalier. Les juridictions déduisent donc qu’un transfert de garde a eu lieu, au profit du manadier.
Le manadier forme alors un pourvoi en cassation.
Au soutien de son pourvoi, il invoque le fait que sa responsabilité ne peut être engagée étant donné qu’aucun transfert de garde ne s’est opéré entre lui et le cavalier. En effet, le manadier rappelle qu’il ne disposait que d’un pouvoir de donner des directives au cavalier, mais rien de plus.
M
La Cour de cassation casse l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Nîmes, suivant le raisonnement adopté par le manadier.
Elle indique, au visa de l’article 1243 du Code civil (responsabilité du fait des animaux que l’on a sous sa garde, découlant lui-même de l’article 1242 dudit Code) que : « la responsabilité édictée par ce texte à l’encontre du propriétaire d’un animal ou de celui qui s’en sert est fondée sur l’obligation de garde corrélative aux pouvoirs de direction, de contrôle et d’usage qui la caractérisent ».
En l’occurrence, le manadier ne disposait que d’un pouvoir de direction, ce qui ne suffit pas à caractériser un transfert de garde du cheval à son profit.
Le cavalier, également propriétaire dudit cheval, en était donc resté le gardien, conservant les pouvoirs d’usage et de contrôle de l’équidé.
M
Il est donc à noter que la seule absence du pouvoir de direction de l’animal n’exclut pas la responsabilité qui pèse sur le propriétaire de l’animal.
La Cour de cassation précise en outre, sur la portée et l’étendue de la cassation que : « La cassation partielle de l’arrêt déféré ne remet en cause ni les condamnations prononcées à l’encontre de l’association ni les chefs de dispositif de l’arrêt relatifs au droit à indemnisation intégrale de la victime et à la mise en œuvre d’une mesure d’expertise médicale ».
M
[1] Arrêt Cour de cassation, 2ème civile, n°682 du 16 juillet 2020, n°19-14.678